Dans ma pratique clinique, lorsque j'anime des groupes de thérapie, j'ai coutume de me faire connaître aux participants en partageant un peu de mon vécu. Je considère que c’est une bonne façon de créer un contact vrai et intime avec les autres. Je vous invite donc à lire ce bref résumé de mon histoire de vie.
Comme vous pourrez le constater, je n’ai pas toujours eu la vie facile, mais je dois dire que je n’y changerais rien, sachant que mon présent serait différent. Je sais maintenant, que chaque petite et grande souffrance vécue, que chaque difficulté rencontrée dans ma vie a contribué à me faire apprendre quelque chose sur moi et à me faire évoluer vers un mieux-être.
C’est ce qui m’a permis de devenir la femme que je rêvais d’être… celle que je suis aujourd’hui, car je me sens bien avec moi-même, épanouie, heureuse et capable de gérer ma vie sans dépendance nocive.
Mon père était alcoolique et je n’en savais rien. Pourtant, je savais bien qu’il prenait un coup, mais j’ignorais alors ce que c’était que l’alcoolisme. Durant toute mon enfance, j’ai eu l’impression d’être assise sur un baril de poudre prêt à exploser à tout moment.
La règle dans la familiale était de se faire tout petit, de se taire et surtout de ne jamais le contrarier. Très jeune, j’ai appris que n’importe quel geste innocent pouvait faire déclencher sa violence verbale et physique.
C’est ainsi que j’en suis venue à croire qu’il me fallait refouler mes émotions, me contrôler, faire semblant, pour m’assurer un peu de sécurité. De plus, j’avais appris que l’amour se paye au prix de la souffrance, des larmes, du dépassement personnel et de l’oubli de soi.
Heureusement que j’ai eu une mère affectueuse et aimante qui s’est dévouée corps et âme pour nous, ses enfants, car sans elle, je pense que je n’aurais pu survivre dans cette famille très dysfonctionnelle.
À 19 ans, je me suis mariée avec un très bon gars, timide et gentil. Évidemment, il était tout le contraire de mon père. De cette union, sont nés deux enfants. Croyant toujours, dur comme fer, que je savais quoi faire pour rendre les autres heureux et que le bonheur se gagnait au prix de la misère et de la peine, j’assumais à peu près toutes les responsabilités du ménage.
J’ai toujours eu l’impression d’être le soleil du foyer et la locomotive qui devait tirer les wagons. Sans moi, rien ne fonctionnait. Je me sentais indispensable. Je m’activais sans cesse, m’occupant de tout et de tous. J’étais la salvatrice, la missionnaire qui écoutait les problèmes de tout le monde.
Je n’étais pas consciente que cela engourdissait mon mal-être, ma souffrance liée à une enfance meurtrie qui ne m’avait pas permis de me développer sainement. Je ne savais pas que ces comportements malsains étaient devenus pour moi comme une drogue pour éviter de ressentir le grand vide intérieur qui m’habitait, au plus profond de mes tripes, et me soulageait de l’image négative que j’avais de moi-même.
Après presque huit ans de mariage, fatiguée de tenir le rôle de la «Wonder Woman», désabusée, désespérée de ne pouvoir m’appuyer sur une épaule solide et surtout, face à l’évidence que je n’étais pas plus heureuse après avoir mis tous ces efforts, je n’en pouvais plus.
La séparation m’apparut être la solution car je croyais que je n’avais pas choisi le gars capable de me rendre heureuse. J’étais convaincue que la faute lui en revenait. Qu’il n’avait pas rempli son mandat de me combler de joie et de bonheur.
Incapable de vivre sans homme, je me mets très vite à la recherche du prince charmant qui viendrait m’arracher à mes malheurs. La tête pleine de rêves romantiques, désespérée, meurtrie et très vulnérable, je suis alors tombée en amour avec un homme aux allures de conquérant. Il représentait à mes yeux le sauveur, tant attendu. L’homme avec un grand H. Celui qui serait capable de faire mon bonheur.
Après seulement quelques mois de fréquentation, j’ai quitté mon travail et emménagé avec lui et mes enfants dans une autre ville. Les premiers six mois, cela a été l’amour fou, la grande passion, l’euphorie totale. J’étais au paradis.
Mon conjoint prenait bien quelques bières avant le repas et en soirée, mais je n’y accordais que peu d’importance. J’ignorais que sa première femme l’avait quitté à cause de son alcoolisme. Au bout de quelques mois, ce fut le début de ma descente aux enfers.
Très rapidement, il augmenta sa consommation. Pour débuter ses journées, il lui fallait un grand verre de gin pur le matin, sans compter toutes les bières ingurgitées à la cachette durant la journée. Sous l’effet de l’alcool, il a commencé à user de violence verbale et physique envers moi. Les blâmes, les critiques, les gros mots, les coups et les claques pleuvaient de plus en plus souvent.
Ses attaques physiques ont augmenté en force, tant et si bien que certains jours, je devais porter des chandails à manches longues et à col roulé pour
cacher les bleus laissés par les serrements et les étranglements que je subissais de plus en plus fréquemment. Une nuit, il perdit littéralement la tête et il m’a menacée de m’écraser une cigarette en plein visage.
Mais où cela allait-il me mener ? Je n’avais ni la force, ni le courage de le quitter à cause de ma très grande dépendance affective et financière, car nous avions un commerce ensemble, notre seule source de revenus. Je restais passive. Je croyais encore que tout cela allait s’arrêter, qu’il allait comprendre, qu’il allait changer.
C’est vrai qu’à ce moment-là, je ne savais qu’espérer. Je ne savais que pardonner, comme je l’avais si bien appris dans ma famille d’origine. Après deux ans à essayer d’être encore plus parfaite pour éviter les reproches en tentant de tout contrôler, je n’en pouvais plus. Seule avec mon secret, découragée, sans issue possible, j’ai cru pendant un certain temps que sa mort serait la solution à tous mes problèmes.
Au bout du rouleau, je ne voyais pas de lumière au bout de ce long tunnel noir. Comme je n’avais aucun contrôle sur sa vie et que les chances qu’il meurt étaient assez minces, dans mon désespoir et ma folie, j’ai alors envisagé le suicide comme solution à ma souffrance déchirante.
Mais, le jour planifié pour me suicider, une seule et unique raison m’a retenue : je ne pouvais pas abandonner ainsi mes deux enfants qui avaient besoin de moi, car ils avaient très peu de contacts avec leur père depuis notre séparation.
Décidée de vivre pour eux, ils sont devenus ma seule raison de vivre, de travailler et de respirer. Quelque temps après, grâce à l’aide reçue, c’est avec calme et sérénité que j'ai laissé mon conjoint. J’avais compris qu’il était alcoolique et que je ne pouvais pas compter sur aucune autre personne que moi pour être heureuse.
Malgré la maladie et les nombreuses diverses difficultés rencontrées sur le chemin de mon rétablissement, petit à petit j’ai repris ma vie en main. Puis un jour, j’ai eu la chance de lire «S’aider soi-même», du Dr Lucien Auger. La mise en pratique des idées et des concepts de ce livre m’a redonné espoir, mais surtout, j’y ai trouvé des moyens concrets pour me rendre heureuse. Pour la première fois de ma vie, je pris conscience que je pouvais avoir du pouvoir sur ma vie, sur mes émotions et sur mes comportements.
Suite à de nombreuses recherches, j’ai enfin découvert que je n’étais pas folle mais que je souffrais de codépendance. J’ai alors commencé à croire que je pourrais enfin vivre heureuse. Je décide donc de me donner la première place dans ma vie, de me retrousser les manches, de cesser de m’apitoyer sur mon sort et de me sortir du gouffre dans lequel je m’étais, bien involontairement, engloutie.
Je ne pouvais plus descendre plus bas. Sans travail, sans argent, sans auto, sans scolarité, (j’avais cessé mes études à la fin de mon primaire) avec une faillite financière, j’acceptai alors le premier travail venu, car je devais faire vivre mes enfants. Après quelques années de rétablissement personnel, j'ai décidé de retourner aux études, afin de pouvoir aider efficacement ceux et celles aux prises avec la codépendance. La vie m’avait donné tout ce dont j’avais besoin pour y arriver.
À la fin de quelque 8 années d’études, je me savais assez bien équipée pour aider professionnellement les personnes dans la souffrance et le malheur. Alors, mon expérience de vie, alliée à mes connaissances nouvellement acquises, m’ont donné l’assurance d’être à la bonne place au bon moment à chacune des étapes de ma nouvelle profession. C'est à cette époque, j’ai endossé la mission d’aider les personnes aux prises avec la codépendance, et je la poursuis encore aujourd’hui.
Sur le plan personnel, après un célibat de près de 11 années, j’ai rencontré un homme exceptionnel à mes yeux. J’ai appris petit à petit à le découvrir et à l’aimer, tout comme j’avais appris à le faire pour moi. Nous venons de fêter notre 32e anniversaire de mariage et, tout comme dans nos premières années, nous partageons le même amour, le même attachement et le même plaisir de vivre ensemble.
À mon avis, tout le bonheur que je vis aujourd’hui n’aurait été possible si je n’avais pas appris à me rendre heureuse et si je n’avais pas passé par où j’ai passé. Alors, loin d’être amer face à mon passé, je suis reconnaissante envers la Vie d’être qui je suis et surtout de faire ce que je fais, car j’exerce la plus belle profession du monde, celle d’aider les personnes souffrantes à se sortir de l’enfer des dépendances quelles qu’elles soient.
Le bonheur est possible à ceux qui décident de se prendre en main. J’espère que les informations contenues dans ce site vous aideront à y arriver.
Diane Borgia
Namaste!*
*Ce qui signifie «Je salue le divin en vous».