En peu de temps les sites de clavardage sont devenues ma raison de lever le matin. Je me faisais des stratégies de séduction et j'évaluais le temps que je mettrais à rendre tel ou tel homme fou de désir pour moi. J'étais devenue une vraie «junkie» parce qu’il me fallait ma dose plusieurs fois par jour. Juste à l'idée de me retrouver devant mon ordinateur, cela me procurait des sensations proches de l'extase. J'étais en très grande souffrance, mais je n'en savais rien. J'avais l'impression que l’Internet m'avait sauvé de mon angoisse, de mon anxiété, de mon mal de vivre, mais dans les faits, j'étais complètement déconnectée. J'étais rentrée dans le monde de l'illusion, du mensonge et des fantasmes sexuels. Dans les faits, je fuyais comme je le pouvais un mal de vivre puissant, destructeur.
J’étais en fuite complète de moi, de ma souffrance. J’étais en fuite de la réalité car sur ces sites, j'avais cinq ans, parfois dix ans de moins… J'étais avocate ou femme d'affaires avec soixante livres en moins. Je conduisais une Mercedes ou une BMW. Même si je n'ai fait que deux rencontres face à face ; la première n'ayant donnée lieu à aucun rapprochement physique alors que la deuxième a fait de moi «officiellement» une femme infidèle, j'ai eu plusieurs conversations érotiques par téléphone et par «textos». Comme j’avais trop peur d'être enregistrée puis diffusée sur le Web, je n’ai eu qu’avec un seul homme des pratiques sexuelles avec une Webcam.
C'est pendant cette période que j'ai connu mes premiers épisodes d'ivresse mentale avec des états euphorisants intenses suivis de crises de désespoir d'une grande intensité. À un certain moment, j’ai passé de huit à dix heures par jour, connectée à mon ordinateur, à la recherche du prochain homme qui me procurait le «buzz» ultime.
À plusieurs reprises, j'ai tenté de me sevrer de l’Internet, mais l'angoisse, l'anxiété et la détresse devenaient si grandes, que je rechutais. Je me questionnais souvent à propos de mon utilisation d'Internet, mais je me sentais impuissante face à cet anesthésiant qui menais ma vie. J'ai souvent voulu mourir durant cette période de ma vie. Comme L'autre savait ce que je faisais, je me sentais coupable face à lui. Alors, chaque tentative de sevrage était faite pour lui. Je me trouvais immorale d'agir ainsi tout en étant en couple, surtout parce qu’il était un être si dévoué et si parfait à mes yeux, mais je n'y arrivais pas. C’est pourquoi le suicide revenait souvent me hanter.
Ma dépendance créait une tension sourde au sein de mon couple. L'autre n'en parlait pas ou en parlait que très rarement, mais son intérêt pour moi diminuait. Malgré tous ses efforts de missionnaire, n’arrivant pas à me sauver, il ne réussissait plus à rehausser sa faible estime de lui-même. Il ne n'était plus LE sauveur indispensable puisque d'autres hommes me donnaient des «buzz» plus forts que les siens.
Je ne lui servais donc plus à rien et cette dépendance, qu'il avait créé et entretenue pour se sentir indispensable à ma vie, commençait à lui peser. Je devenait pour lui un fardeau dont il avait de plus en plus souvent envie de se débarrasser. C’est alors qu’il me faisait sentir de plus en plus son intolérance face à mon grand manque d'autonomie et qu’il voulait que je cesse de compter sur lui.
Je me suis longtemps flagellée, culpabilisée, injuriée, maltraitée pour le mal que j'ai fait à L'autre envers qui je me devais d’être redevable en reconnaissance de tout ce qu’il faisait pour moi. Mais, aujourd’hui je sais qu’il est lui aussi une personne très toxique qui donnait pour se sentir valable et indispensable. Quelqu'un qui utilise les autres à ses propres fins afin de rehausser sa piètre estime de lui-même, sa valeur personnelle, mais, pour arriver à se rendre indispensable, il doit d’abord affaiblir sa proie, et pour y parvenir, il doit faire preuve d'un grand dévouement et recourir à des comportements de contrôle. Et moi, dans tout ça, inconsciemment je me suis laissée prendre en charge, affaiblir et contrôler.
L'autre dit s'être détaché de moi au fil des ans et que mon infidélité fût sa limite, son «bas-fond». Je comprends aujourd’hui que je n'étais pas l'unique élément toxique de ce couple, que nous étions deux personnes souffrantes qui utilisaient des moyens toxiques pour entrer en relation l'une avec l'autre. En fait, même s’il se voyait comme le «bon gars qui se faisait malmener par une ingrate», je n’étais pas la seule responsable de tout ce qui arrivait, comme il semblait le croire. J'ai compris que lui aussi mentait, manipulait, contrôlait, car il ne savait pas comment entrer sainement en relation avec moi. Il souffrait, et souffre encore, d'un grand vide intérieur, d'une identité négative, d'un refoulement émotionnelle et est incapable de communiquer adéquatement. Il est ambigüe et contradictoire, pouvant même parfois utiliser la violence psychologiquement.
Il croit avoir besoin de se dévouer pour être digne d'amour. Tout cela l'amène à adopter des comportements méprisables et égocentriques. Il veut faire croire à l'autre qu'il est un bon gars, mais dans les faits, il joue un rôle. Ses stratégies finissent par le désavantager et briser l'image du bon gars qu'il s'évertue à donner pourtant avec acharnement. Il ne se livre pas, ne s'abandonne pas et laisse toujours planer un doute sur ses sentiments ou intentions incapable d’être authentique, il fuit constamment toute communication ouverte. Toujours sur ses gardes, il se victimise et développe du ressentiment, refoulant et n'exprimant rien pour qu'on le trouve gentil et pour préserver sa faible estime de lui-même. Et puis un jour, se ferme à toute communication en brisant tout sur son passage car il a décidé de me fuir en me quittant…
ISA