Après dix années hors de ma profession, j'ai enfin trouvé un emploi à temps partiel. C'est un début. Je remets le pied dans l'engrenage. Je suis fière des comportements et attitudes que je développe à petits pas et qui me permettent de mettre à terme certains de mes projets. C'est laborieux mais j'y arrive un peu mieux.
Je dois dire que grâce à mes changements et à ma préparation, j'ai ressenti un certain plaisir pendant l’entretien d'embauche. Sur six candidats j'ai fait l'unanimité auprès du comité de sélection. Je prends conscience que le travail n'est pas tout. C'est un moyen de gagner ma vie, de m'affranchir financièrement de l'Autre.
C'est une occasion de bonheur ou de malheur selon le cas, mais le travail à lui seul ne peut me rendre heureuse. En fait, rien à l'extérieur de moi ne peut me rendre heureuse. Ce concept m'angoisse au plus haut point. Qui va me rendre heureuse alors ? Moi ?
Je n'ai qu'une vague et vacillante idée de comment arriver à cela. J'ai toujours entretenue l'idée que le bonheur venait d'abord et avant tout d'une relation amoureuse. Que sans l'amour d'un homme le bonheur est inatteignable et que la vie n'a aucun sens. Qu'il faut être deux pour être heureux. Et cette maudite manie que j'ai d'idéaliser sans cesse la vie des autres. Je sais que cela part d'une identité négative de moi-même. Je l'ai appris dans le livre Amour Toxique de Diane Borgia.
Peut-être que je consacre trop de temps à mon rétablissement finalement. Je devrais juste vivre sans trop me préoccuper de tout cela. Mon rétablissement peut-il devenir une dépendance? Me questionner ainsi, travailler sur moi plusieurs heures par jour ce n'est peut-être pas une bonne idée finalement. Je ne sais plus.
Aujourd'hui rien ne va plus et je ne sais plus rien. Heureusement, je viens de terminer la lecture d'un article sur la peintre Johanne Corneau, «Corno» de son nom d'artiste. J'ai souvent vu cette artiste en entrevue et chaque fois le sentiment de liberté qui émane d'elle me fascinait. À part le fait qu'elle soit la sœur du psychanalyste et auteur Guy Corneau, je ne savais que très peu de choses d'elle. À 40 ans, elle a quitté le Québec avec presque rien pour aller s'installer, seule, à New-York. Elle voulait imposer son style et sa peinture dans la Grosse Pomme, rien de moins.
Elle n'a pas été accueillie à bras ouvert et a connu des années difficiles. Mais elle a persisté. Vingt ans plus tard, à 60 ans (elle en paraît 30) ses toiles se vendent à prix fort partout dans le monde et sont exposées dans de prestigieuses galeries. Elle n'a ni conjoint, ni enfant. Mais elle est heureuse et se dit pleinement comblée de la vie qu'elle a choisie. Donc le bonheur ne passe pas obligatoirement par la vie de couple et la famille...
Son histoire me fait du bien. Car à 47 ans, je croyais jusqu'à tout récemment qu'il était trop tard pour accomplir quoi que ce soit. Qu'à mon âge un retour aux études ou la réalisation de quelconques projets importants n'était plus possible. Que j'étais rendue trop vieille. Que j'avais dépassé l'âge permis pour me construire une vie, me développer des intérêts propres, mener à terme des projets, avoir une vie de couple épanouissante, me créer un cercle d'amis, me découvrir des passions. Que toutes ces choses sont réalisables lorsqu'on a 20 ans, mais qu’à 47 ans, plus rien n'est possible, accessible.
J'avais et j'ai encore souvent une vision très réductrice et fataliste de la vie. Pour moi tout ce qui comptait et qui occupe encore une très place dans mes croyances, est que d'être en couple représente la seule avenue possible au bonheur et à une vie épanouissante. Que le véritable bonheur ne passe que par le couple et la famille. Si je n'ai pas cela, rien ne vaut la peine. Car rien n'a de sens. Rien ne compte. Pourtant, je suis en couple depuis que j'ai l'âge de 20 ans. Dans toute ma vie, la plus longue période ou j'ai été seule, est celle que je traverse en ce moment. Je cumule 26 années de vie de couple, avec 3 conjoints différents.
Est-ce que la vie de couple m'a apportée le bonheur ? La triste mais réaliste réponse est non. J'ai connu beaucoup plus de souffrances que de bonheur dans mes histoires d'amour. Et si je regarde OBJECTIVEMENT autour de moi, le constat sur la majorité des couples et familles qui m'entourent est le même.
Donc, le bonheur n'arrive pas nécessairement par le couple ou la famille. Comme dit Diane Borgia dans une de ses conférences, une relation de couple, c'est la cerise sur le sunday. Une cerise sur un sunday, c'est le fun, c'est rafraîchissant, c'est lumineux mais ce n'est pas un ingrédient essentiel à la composition du sunday. Ça ajoute un quelque chose d'agréable, mais le sunday est tout à fait complet et autonome sans la cerise.
Mes croyances m'ont toujours contraintes à penser le contraire. Que sans cerise, le sunday est terne et sans attrait. En fait, ça lui enlève tout intérêt. Si je n'ai pas le regard d'un homme sur moi pour me trouver belle, intelligente, drôle je ne suis rien et je ne peux rien. Si j'ai ce regard, je suis tout et je peux tout !
Même si cette croyance est enracinée profondément au fond de moi, elle perd un peu de puissance depuis quelques temps. Le bas fond que j'ai atteint à la fin de l'été suite à la rupture de ma relation amoureuse, me force à confronter plusieurs de mes croyances dont celle-ci : «Si l'amour d'un homme est l'ingrédient essentiel au bonheur pourquoi je n'ai jamais été vraiment heureuse ?»
Aujourd'hui je prends conscience que je n'ai jamais été heureuse dans aucune de mes relations de couple. Je pourrais jeter le blâme sur l'autre. Je l'ai fait et il m'arrive encore de le faire. Mais je crois qu'il est plus réaliste d'admettre et d'accepter qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas chez moi. Je travaille à changer des choses à l’intérieur de moi au lieu de continuer à chercher le bonheur en dehors de moi.
ISA