La journée est chaude. Trop chaude pour une journée d’octobre. Je n’en peux plus de cet été qui s’éternise. Je veux de la grisaille. De la pluie. Du vent froid. Je n’en peux plus de ce soleil joyeux.  Fannie ouvre la porte de sa maison. Je prends place sur son divan rouge fleuris. Elle, sur sa chaise droite planter à mi-chemin entre la cuisine et le salon. Ses meubles sont poussiéreux. Sa télévision surtout. Fannie est menue et sans artifices. Elle me fait penser à la mère de Jésus dans le film Jésus de Nazareth.

Comment vas-tu ? Angoissée et je discours un long moment sur les raisons de mon angoisse devant une Fannie silencieuse. Tu la ressens à quel endroit dans ton corps l’angoisse ? Un silence s’installe, je le meuble rapidement de propos décousus, mais Fannie semble vouloir une réponse à sa question puisqu’elle y revient. Je ne sais pas, partout ! Et de nouveau ma main droite se retrouve sur mon plexus. Je trouve cela infiniment désagréable. Il me semble que lorsqu’on veut savoir comment on se sent on y pense avec sa tête non ? Comment une main sur le plexus peut-elle m’informer sur mes émotions ? Je commence sérieusement à douter des compétences de Fannie. Je me sens honteuse. D’où ça sort ça ? Pourquoi ai-je dis cela ? Tu te sens coupable de quoi demande Fannie ? De rien, j’ai honte. La honte provient souvent d’un sentiment de culpabilité tu sais. Non, je ne sais pas. C’est ton exercice avec le plexus qui me fait me sentir mal.  Ah oui ! Pourquoi ? Je ne sais pas. Je n’arrive jamais à trouver les bonnes réponses à tes questions. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses tu sais. Non, je ne sais pas. Tu ne te sens pas à la hauteur ? Je ne sais pas. Peut-être. Je  ne me sens «pas bonne» quand je suis ici. Je ne sais pas comment l’expliquer. Je viens en thérapie pour me sentir mieux et on dirait que c’est tout le contraire qui se passe. En fait, je ne me sens jamais bien ici. Et hors d’ici, tu te sens bien ? Plus qu’ici en tout cas. Fannie m’explique que j’ai en moi un grand vide intérieur. Ce vide est générateur de beaucoup de souffrance. Souffrance que j’ai appris à neutraliser en «gelant» mes émotions. Ton addiction au site de clavardage, tes comportements de séduction compulsive, tes infidélités virtuelles et réelles sont des moyens que tu as trouvés pour anesthésier ta souffrance. En fait, tu fuis ton vide intérieur, ton mal être dans des comportements excessifs et compulsifs. Tu ne souffres pas parce que tu es infidèle, tu es infidèle parce que tu souffres. Vois-tu la nuance ? Je repasse tout cela rapidement dans ma tête. Donc, c’est à cause de ma souffrance si j’ai été infidèle non pas parce que je n’aime plus l’autre ? C’est surtout parce que tu ne t’aimes pas toi-même...

Fannie me perd. Attend là ! Je suis dépendante affective et je trompe l’autre. Y’a quelque chose qui cloche dans ça. Dans ma conception, une dépendante affective donne tout à l’autre, le traite comme un roi pour ne pas le perdre. Elle ne le trompe pas voyons ! Tu veux être aimé. Et tu passes par des périodes de contrôle puis de révolte pour obtenir ce dont tu crois avoir besoin. C’est-à-dire de l’amour. Hein ??? Mais de l’amour j’en avais. Il me disait tous les jours qu’il m’aimait éperdument. Dans le mot éperdument dit Fannie il y’a le mot «perdu». As-tu déjà remarqué ? Non, jamais. Pour maintenir vivante une relation de dépendance affective il faut être deux. Les deux contribuent à l’alimenter. J’ai mal à la tête. Je veux partir d’ici. Chaque fois que je me  retrouve sur ce divan mon mal être augmente. Je veux juste être bien moi! Que l’autre revienne et qu’on soit heureux. Tu es comme une toxicomane. Cette phrase résonne dans mes oreilles comme une détonation de revolver tirée de trop près. Une toxicomane ! Moi ? Je n’ai  jamais pris de drogue de ma vie. Ni bu d’alcool. De quoi elle parle ? Je n’ai pas dit que tu ES.  J’ai dit que tu es COMME…  Je rentre chez moi ébranlée. Toxicomane !!! Ce mot me tue...

ISA